Pourquoi nous portons des propositions concrètes.

Publié le par MJCF Isère

 

 

Je crois qu'il est nécessaire de tordre le cou à certains poncifs, qui reviennent systématiquement lorsque l'on parle des propositions concrètes portées par les jeunes communistes. Poncifs, qui sont généralement les conséquences d'une certaine maladie infantile chère à notre ami Lénine, bien plus que d'une réflexion sérieuse sur la question. 

 

Dans un article intitulé Éléments de réflexion pour un projet communiste, Ivan Lavallée suite aux polémiques autour du programme partagé du Front de Gauche, s'attache à démontrer la relation entre le programme et le projet communiste. Selon lui, "Qui dit programme dit immédiateté, pragmatisme. Le programme se situe dans le cadre du système existant.", en revanche le projet est "un horizon", c'est "la perspective historique". Cette différence entre programme et projet est à mon sens fondamentale, car elle est une pierre angulaire de la compréhension de l'action communiste. Plus précisément, le projet est la mise en perspective de l'objectif théorique, de l'idéal, c'est-à-dire dans notre cas, le socialisme, la société sans classes. Cependant, les textes (comme un texte de congrès par exemple) relatant le projet sont, nous en conviendrons sans peine, difficiles et peu voire pas du tout efficace, lorsque qu'il s'agit d'en user dans l'action militante auprès du grand public. Une des causes de cela, et pas des moindres, provient du fait que dans ce cas la théorie se heurte de manière frontale à la réalité, aux conditions matérielles d'existence de l'instant présent. Tout l'enjeu du programme réside alors de concilier le projet et la réalité, je dirais même de dépasser les contradictions issues du choc entre la théorie et la réalité. C'est selon Ivan Lavallée "le compromis avec le monde réel dans le temps présent". Entendons-nous bien: ici le mot compromis n'a pas sens de renoncement comme beaucoup de gauches aiment à le dire, mais porte au contraire l'idée de réalisation progressive, par étapes, en bref d'une réalisation programmée, d'où le terme programme.

 

C'est dans cette logique de programme que s'inscrivent et doivent s'inscrire les propositions concrètes que nous, Jeunes Communistes, portons dans notre action militante. Loin de là l'idée d'appliquer "des pansements au capitalisme" ou encore "d'humaniser le système", chacune (la plupart en tout cas le sont, là n'est pas le débat) de nos propositions doit être sous-tendue par notre projet pour reprendre l'expression d'Ivan Lavallée. C'est la différence notable entre révolutionnaires et réformistes, celle qui conduit ces derniers à abandonner le combat, quand nous les communistes, le poursuivons. Prenons un exemple comme l'allocation d'autonomie (je préfère le terme de revenu d'autonomie, mais pour une meilleure compréhension j'utiliserais allocation), proposition portée par les Jeunes Communistes aussi bien que par les Jeunes Socialistes ou l'UNEF, syndicat étudiant réformiste. Si l'allocation d'autonomie vue par la JC et celle vue par le MJS et l'UNEF peuvent paraître semblables de prime abord, il existe en réalité une différence structurelle de fond entre les deux propositions.

 

Nous évoquions dans nos travaux à l'Assemblée Nationale des Animateurs de la JC, l'idée d'un revenu tout au long de la vie, le droit d'avoir les moyens de vivre à partir du moment où l'on est légalement adulte et donc un revenu universel pour les jeunes qui ne sont pas rémunérés pour leur travail. Ceci est la perspective historique, le projet auquel nous aspirons. Voyons maintenant la réalité: nous sommes dans le système capitaliste, la situation sociale de chacun est différente du fait de l'existence de classes sociales et des disparité salariales dans le capitalisme actuel, ou encore le coût de la vie n'est pas le même suivant le lieu où l'on vit. Dans nos discussions, l'idée est venu de proposer une allocation d'autonomie dont la structure serait celle d'un revenu d'autonomie universel (le même pour tous), qui pourrait être corrigé à la marge par un certain nombre d'outils comme des multiplicateurs relatifs au coût de la vie locale, au coût du logement ou encore relatifs à la situation familiale. L'objectif est de gommer les inégalités, tout en pouvant constamment transformer l'allocation de base au fur et à mesure des avancées dans d'autres domaines influents sur la question des moyens de vivre. Un exemple simple: le logement étudiant, celui-ci est encore largement privé. La réalité, là encore, est que la réalisation d'un parc de logement public, accessible à tout les étudiants ne se fera sans doute pas en même temps que l'allocation d'autonomie. Il est donc nécessaire de prévoir une correction de l'allocation en fonction de la réalité du prix du logement, correction qui serait abandonnée une fois le parc de logements public réalisé. Nous sommes donc ici loin du pansement au capitalisme, de la proposition qui serait une fin en soi, comme cela est trop souvent le cas chez nos amis réformistes, mais bien dans une logique de long terme de dépassement de la société actuelle.

 

Pour finir, il faut bien comprendre une chose: les propositions concrètes que nous formulons ne sont ni l'objectif, ni un morceaux de l'objectif. Considérer qu'un acquis est une fin en soi est une grave erreur, la véritable question est de le dépasser. À l'inverse, croire que les changements concrets n'ont aucune utilité, c'est nier la réalité dans laquelle on vit, c'est voir le monde tel qu'on voudrait qu'il soit et non tel qu'il est, ce qui conduit à ériger sa propre impatience en argument théorique, comme le formulait si bien F. Engels.  Nos propositions concrètes sont la résultante d'une analyse sérieuse de la réalité, des conditions matérielles d'existences et sont porteuses des moyens de leur propre dépassement, c'est ce qui fonde leur caractère révolutionnaire ainsi que leur place dans les outils du militant communiste.


Michaël

MJCF Isère

 

Publié dans Bataille des Idées

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